Le solstice d’été aura lieu cette année le 21 juin 2017 à 04:24:09 précises de quoi ravir les amateurs de soleil, de plage, de repos et de farniente, même si les températures printanières sont déjà assez estivales et nous laissent aucun répit. Mais la date du 21 juin 2017 correspond également au 490e anniversaire de la mort de Nicolas Machiavel.
Patrick Boucheron, historien français, nous fait passer, depuis deux ans, l’été avec Machiavel. Ce professeur au Collège de France défraye cependant les chroniques depuis quelques mois avec son l’ouvrage Histoire mondiale de la France (Seuil, janvier 2017), dont il est le directeur. Il offre dans ce livre une nouvelle lecture de l’histoire de France, ce qui a provoqué de nombreux émois, des soulèvements et quelques irritations auprès de certaines personnalités françaises. Nous pourrions alors nous demander si ce n’est pas le but d’un historien que de soulever des questionnements et d’apporter un éclairage nouveau sur les sciences de Clio? C’est dans cette perspective que s’inscrit l’approche prônée par Patrick Boucheron et son équipe. D’un côté, ce collectif de 122 historiens et historiennes recours à des pratiques de l’histoire globale et connectée; d’un autre, il rend accessible l’histoire de France à tout un chacun et la fait entrer davantage dans le quotidien des Français, et non seulement, et cela d’une manière atypique. Proposé sous forme de chronologie, cet ouvrage est d’une lecture agréable et permet à chacun de butiner, de papillonner historiquement à sa guise.
Mais, revenons à Niccolò di Bernardo dei Machiavelli (1469-1527) : Patrick Boucheron offre aux auditeurs de France Inter, entre juillet et août 2016, dans une série de chroniques, d’approximativement 5 minutes chacune, un aperçu de la vie et du parcours du penseur humaniste. Nous y retrouvons un Nicolas Machiavel extrêmement contemporain, s’inscrivant parfaitement dans l’actualité, notamment dans la situation politique contemporaine. Nous sommes en effet, à l’été 2016, à quelques larges mois de la présidentielle française, les candidats se bousculent aux portillons, et il faudra bien choisir : faut-il aimer ou être aimé?
L’été 2017, Patrick Boucheron marque à nouveau le coup en publiant, depuis quelques semaines, l’ouvrage relatif à ces chroniques de France Inter. Un ouvrage qu’il a très peu retouché par rapport au contenu oral de 2016, quelques citations supplémentaires, par-ci par-là, une « chronique » conclusive et des pistes de lecture, et le tour est joué: l’ouvrage est prêt à passer sous presse.
L’écoute de ces chroniques et la lecture de cet ouvrage projettent les auditeurs et les lecteurs dans la Florence, l’Italie et la France des XVe – XVIe siècles, au temps des Médicis et des Borgia. Elles elles montrent également, oh combien, la pensée de Machiavel et notamment son Prince, sont d’une frappante actualité. Patrick Boucheron laisse transparaître, principalement dans son « Épilogue provisoire », une vision de la politique internationale.
« De l’été 2016 à l’été 2017, et pas seulement en France, tous les pronostics politiques auront été systématiquement déjoués, comme si la joie mauvaise des peuples contre ceux qui prétendent contraindre leurs choix en les présentant par avance comme inéluctables s’était transformée en vindicte féroce. Pour ne s’en tenir qu’aux échéances électorales, depuis le vote en faveur du Brexit lors du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne le 23 avril 2016 et l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis le 8 novembre de la même année, la qualità dei tempi a nettement tourné à l’orage. Ses conséquences sur la campagne présidentielle française furent telles, à partir de décembre 2016, qu’à la suite d’un invraisemblable concours de circonstances ayant progressivement éliminé tous les candidats attendus […] l’élection se présente au moment où j’écris ces lignes, en une configuration totalement inédite à l’issue des plus incertaines, et pour tout dire, des plus alarmantes. » (Patrick Boucheron, Un été avec Machiavel, p. 130-131.)
Machiavel contemporain? Bien entendu. Patrick Boucheron par, entre autres, la finesse de son analyse montre que lorsque de grands changements se présentent, le recours aux textes de Machiavel se fait assez naturellement. « Machiavel » et « machiavélisme » deux notions qui ouvrent les étés de 2016 et 2017. Cet ouvrage présente aussi la manière, et le contexte, de la rédaction du De Principatibus, véritable titre du Prince, mais également quels sont ses autres textes, parfois beaucoup plus critiques que son best-seller, parmi lesquels : Discours sur la première décade de Tite-Live – véritable réflexion sur la république – ou encore l’art de la guerre ou les Histoires florentines.
Un été avec Machiavel se clôt avec une très bonne, en utile, critique bibliographique intitulée « Lire Machiavel », le lecteur y découvre le parcours éditorial des oeuvres de Machiavel mais également quelles éditions privilégier par rapport à d’autres.
Un seul conseil : faites une bonne lecture de cet ouvrage et une bonne écoute de ces chroniques, ou encore les deux au même temps : c’est relaxant et instructif de suivre le texte au son de la voix de Patrick Boucheron sur les ondes de France Inter.
Bonne lecture et bel été, avec ou sans Machiavel.
Patrick Boucheron, Un été avec Machiavel, Paris, Édition des Équateurs | France Inter, collection « Parallèles », 2017, 147 p.